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“You’ll have tea with us, Dear ?”

January 10th, 2010

Mais pourquoi tous les hommes que je croise le matin s’attachent-ils autant à me serrer la main ? Il glisse leurs doigts contre les miens et sans serrer la poignée agitent le bras en riant, comme s’ils n’avaient jamais fait ce geste auparavant. C’est très étrange. Certains se détournent de leur chemin juste pour venir me serrer la main. Est ce que je suis en campagne électorale sans le savoir ?

 En théorie, se serrer la main n’est pas une habitude indienne. Et sur beaucoup de choses on se perd entre ce qui est une pratique culturelle propre et ce qui est entré dans les moeurs petit à petit avec l’ouverture sur le monde ou la colonisation anglaise. Par exemple pour les hindous, c’est diwali qui marque la nouvelle année. Pour me faire plaisir ils me souhaitent tous “Happy New Year” en ce moment alors qu’ils se le sont dit entre eux en octobre pour la fête des lumières.

Vers 10h, deux professeurs plus âgées que moi m’appellent et me proposent de venir prendre le thé avec elles. J’aime bien leur sari, je trouve que ça leur donne un charme fou. Rien que de réussir à bouger dans ses longs morceaux de tissu, ça doit être difficile. Une d’entre elle sort un billet de 20 roupies et le donne à une servante. Ca servira à payer le thé. Nous nous installons dans la salle des professeurs. Ces deux senior teachers enseignent l’anglais et il est naturel pour elles de parler anglais, mais je ne peux pas m’empêcher d’imaginer que nous sommes en train de reproduire un schéma typiquement anglais. Les petites phrases, les sourires un peu faux et les messes basses. Je suis sûr que ces dames adorent ces moments passés à commenter la vie de l’université en sirotant le thé. Puis la servante arrive, elle rend la monnaie du thé qu’elle est allée acheter à la cantine et elle sert quatre verres. Le sien elle ira le boire dehors, seule. J’adore lui sourire. Certains des autres professeurs ne l’aiment pas car elle fait montre d’un peu d’emportement parfois et ose lever les yeux. Jamais avec moi en tout cas. Le matin, elle me dit toujours un adorable “Namasté, Sir” avec un beau sourire et j’ai même parfois l’impression qu’elle m’a attendu, appuyée sur le mur plusieurs minutes, juste pour être sûre de pouvoir me saluer.

 

Un jour, un de mes collègue m’a raconté une histoire assez différente de ce qu’on peut entendre habituellement concernant les Anglais. Son grand père vivait près d’un superbe canal dans une des régions en Inde où la faune et la flore sont les plus originaux. Tous les jours, un soldat de la couronne venait surveiller que personne ne vienne jeter quoi que ce soit dans l’eau. Puis après l’indépendance, le soldat n’a pas été remplacé. Le lieu est tout simplement devenu une porcherie où les gens sont venus jeter leurs ordures. Il y a parfois dans le discours des Indiens une once de doute sur ce que serait le pays si les Anglais étaient toujours là. Et il n’est pas facile de comprendre là où se trouve leur propre fierté ou la copie des schémas de la haute société anglaise. Les rails et autres infrastructures ferroviaires sont en grande partie héritées des anglais, ce qui mène toujours à se demander dans quelle mesure la colonisation a marqué les esprits. Et parfois j’ai le sentiment que les Indiens ont l’impression de bien se tenir lorsqu’ils copient ce qu’ils pensent être la façon de se tenir des Anglais. Et bien entendu cela passe énormément par la langue. Je suis persuadé que le fait de ne pas pouvoir parler Anglais est une grande frustration pour beaucoup d’Indiens dans la mesure où cette langue (qui n’est la langue maternelle de quasi-personne) est synonyme d’un certain niveau d’éducation. L’Inde souffre toujours d’un sentiment d’infériorité par rapport à ces anciens colonisateurs, qui même après leur départ, laissent une empreinte forte sur l’imaginaire collectif.

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